Vision ou Stratégie ?… Les deux mon Capitaine !
Les organisations habituées à un certain classicisme connaissent quelques coups de vent devant de multiples changements : digitalisation, nomadisation du travail, culture de l’immédiateté, repères institutionnels bousculés… A la barre de l’entreprise, le dirigeant, tel un Capitaine, doit régler ses voiles au plus juste. Tout cela remet en cause la stratégie à long terme des entreprises, ce qui impacte fortement les savoir-faire managériaux.
Depuis une dizaine d’années, la mondialisation produit des effets palpables dans la stratégie des entreprises. Ainsi, pour gagner en souplesse et en agilité, pour plus de réactivité, pour gagner des parts de marché devant une concurrence agressive… les managers doivent travailler plus, mieux, plus vite avec moins de collaborateurs, avec des outils complémentaires. C’est à eux et à leurs équipes de s’adapter régulièrement aux évolutions voulues par les dirigeants-stratèges. On parle désormais d’une vraie mutation qui s’accomplit car les changements deviennent la norme dans la stratégie d’entreprise.
Et le management dans tout ça ?
Le management se transforme car les entreprises se transforment… Une étude Malakoff-Médéric d’avril 2017 montrait que 55 % des salariés avaient vécu au moins un événement, une restructuration ou une réorganisation dans l’année 2016 (+19 points par rapport à 2009 !). Il y a quelques années, si un changement, c’est-à-dire un événement impactant, non voulu, subi et majeur, pouvait être accepté sur la durée, aujourd’hui la fréquence des changements vécus bouleverse les collaborateurs. Et si plus d’un salarié sur deux connaît un changement dans l’organisation de son entreprise, le manager est particulièrement concerné par ces bouleversements. Il est légitime à se demander comment faire pour résoudre des situations de mal-être de collaborateurs ? ou comment trouver un équilibre entre les nécessaires évolutions techniques du métier et la capacité professionnelle des collaborateurs à y répondre ? ou encore comment favoriser la cohésion d’équipe dans un contexte de turn-over ? etc. Toutes ces questions et bien d’autres sont plus prégnantes en période d’incertitude et de changements. Et pourtant 92 % des salariés déclarent toujours s’adapter aux transformations dans l’entreprise (étude Malakoff-Médéric avril 2017). Il faut cependant du temps, de la pédagogie, et des outils bien dosés pour assurer la réussite.
L’entreprise : un bateau en régate sur l’océan !
C’est ici que la navigation à voile nous apprend beaucoup sur la manière de vivre les changements récurrents dans les organisations et de concevoir la stratégie. Le capitaine, n’est-il pas lui-même déboussolé quand les vents et les courants changent tous les matins ? Un équipage de voilier en régate est confronté à des variables multiples : la météo, le courant, le vent, les vagues, le bruit, le matériel, la visibilité… A chaque instant, l’équipage doit s’adapter pour arriver au plus vite à la bouée.
Pour cela, le barreur donne le cap, le tacticien élabore la stratégie, l’équipier avant coordonne le travail du reste de l’équipage. Ainsi, une stratégie est bien différente du cap. Le cap, c’est la Vision d’entreprise qui, elle, est définie sur le long terme -permettant au passage l’adhésion des équipes- ; alors que la stratégie n’est qu’un moyen pour tenir le cap fixé : elle doit donc s’adapter en permanence.
Quelle stratégie suivre pour maintenir le cap ?
La stratégie d’entreprise est un choix posé par la Direction qui tient compte de l’environnement et des ressources internes et externes, et qui repose sur des objectifs de performance économique permettant d’obtenir un avantage concurrentiel durable et défendable. Aujourd’hui, parce que l’environnement est mouvant, parce que les ressources internes sont plus volatiles, parce que les ressources externes sont plus difficiles à obtenir, parce que les objectifs de performance économique sont incertains, l’entreprise doit s’adapter et modifier régulièrement sa stratégie pour rester dans la course. Pour cela, voilà quelques pistes :
- Investissez dans un Directeur/Responsable de la Stratégie : c’est le tacticien du bateau, indépendant et suffisamment expert qui saura analyser rapidement les situations ;
- Passez du management vertical au management collaboratif : les réflexions de groupes sont toujours supérieures en efficacité à la réflexion d’un seul ;
- Utilisez la technique du bottom-up plutôt que celle du top-down : les collaborateurs en contact direct avec le client sont les premiers informés des besoins nouveaux ;
- Regardez en dehors des frontières françaises ce que font les indiens, les chinois, les brésiliens… l’apport culturel donne des idées formidables et renseigne sur les tendances.
La stratégie d’entreprise peut-elle se limiter pour autant à des décisions court-termes imposées par l’environnement et les ressources internes et externes ? Peut-elle, dans certains cas, simplement obéir à la demande de rentabilité des actionnaires ? Si la réponse est oui, le risque est de perdre le cap, l’orientation générale de l’entreprise. Car naviguer à vue, sans visibilité, est dangereux… les marins vous le diront ! Il est nécessaire pour chaque capitaine d’entreprise d’avoir une Vision : ce cap, cette direction claire vers laquelle emmener ses équipes, cette volonté du chef d’entreprise d’affirmer un projet désirable, cohérent avec l’activité de l’entreprise.
Afficher quelques certitudes…
Alors stratégie ou vision ? Les deux mon Capitaine ! Pour parvenir à une stratégie en phase avec la vision, il faut bien sûr des collaborateurs formés, compétents, partageant les valeurs de l’entreprise sans oublier une excellente communication entre tous les acteurs. En 1985, Pierre MORIN écrivait dans Le management et le pouvoir que « Lorsque les temps sont incertains, la sagesse recommande d’afficher quelques certitudes… ». Peut-être serait-il utile pour chaque entreprise de travailler en premier lieu sa Vision sur les années à venir, et dans un second temps la Stratégie mise en place ? Cette façon de procéder permet de rassurer, de conforter les salariés dans leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. En 2017, quoiqu’il en soit, les salariés raisonnables* s’adaptent encore à chaque nouvelle situation… Mais pour combien de temps ?
* En référence à George-Bernard Shaw « L’homme raisonnable s’adapte au monde ; l’homme déraisonnable s’obstine à essayer d’adapter le monde à lui-même. Tout progrès dépend donc de l’homme déraisonnable. »
(ODEGO Conseil © novembre 2017)